A Lincoln.
Hier, c’était la première fois que je voyais ton Solex. Je croyais que c’était une blague de ta part, ce solex. Un de tes « tu te fous de ma gueuuule » quand tu imitais notre chère langue française.
Oui, la première fois que je voyais ton solex, que je ne connaissais qu’en photo, pour l’avoir travaillée dans tous les sens quand il s’était agit de réaliser ton blog http://www.vinosolex.com
Je me rappelle de cette première rencontre, dans les allées de Millésime Bio, tu avais exactement cette gueule là : un squelette fragile sous un chapeau australien, une barbe grisonnante et des lunettes rondes derrière lesquelles tes yeux bleus brillaient de malice.
J’imagine que mon ShowVinisme avait aiguisé ta curiosité. Un ptit français qui affirmait son amour citoyen du vin. Si nous avons passé d’excellents moments ensembles, j’espère ne pas t’avoir trop ennuyé avec mon caractère parfois si antipathique et mon ignorance pour ces cultures qui te nourrissaient.
Tu sais, j’ai adoré te suivre chez quelques uns des meilleurs vignerons du Languedoc, de l’autre côté de la rive du Rhône. Je n’ai jamais compris ton obsession pour cette opposition rive droite, rive gauche. Je ne t’ai d’ailleurs pas toujours compris et je réalise aujourd’hui cette richesse qu’il y avait à te rencontrer et à échanger avec toi.
J’ai aimé ton authenticité. J’aurai aimé te le dire.
Là, au bout de ton jardin, tu nous invitais, un verre à la main, pour admirer les dentelles rosirent au soleil couchant. Dire que tu as choisis de les regarder dorénavant à jamais, sur ce relief, à l’ombre des arbres, fouetté par le vent.
On viendra te voir, à nouveau, on a le temps. On aimera venir se balader chez toi. Il faudra venir avec une belle bouteille. Il y aura une pierre pour s’asseoir dessus, se poser, et prendre le temps de te dire quelques mots, t’écouter nous souffler des bêtises parmi le souffle fort et tenace du Mistral. Finalement, la nature t’a fait une place, généreuse. Je sais maintenant pourquoi.
Par pudeur, par oubli, parce que nous avons chacun nos vies, ou peut-être bien parce que les choses sont ainsi, je n’ai pas pu te dire tout ça. Je vais essayer de te garder une place dans mon verre. Mettre un brin de malice et d’espièglerie pour mieux gouter les vins et rencontrer encore et encore des vignerons. J’essayerai bien de retenir de toi quelques uns de tes messages pour mieux trouver mon chemin mais je sais déjà que je n’en ferai qu’à ma tête. Je n’aurai ni ta générosité, ni ta gentillesse.
J’ai aimé ton départ hier, tu sais, dans la lumière chatoyante de nos yeux humides, j’ai aimé te voir à nouveau dans les paroles fortes et touchantes de tes proches, j’ai aimé ton envolée mystérieuse et intime, ton entrée dans l’inconnu, ton passage dans l’au-delà, je t’ai vu partir…, j’ai aimé ton solex, ton vrai solex donc, que tu as fait tomber en essayant de l’enfourcher, à moins que ce ne soit le mistral, j’ai aimé le vin que nous avons bu, ce vin que les vignerons ont tenu à partager, ce vin de Sablet.
J’ai aimé aussi parler de toi et d’autres choses, après, plus tard, avec André, Thierry et Sybil, dans ce petit restaurant de Cairanne, où nous avions passé un moment tous ensemble. Tu nous a fait quelques Lincolneries bien sympathiques !
Voilà Lincoln, j’ai aimé ton départ hier parce que nous étions ensemble à te donner vie. A bientôt à Sablet.