Le Banyuls, il y a ceux qui l’aiment et ceux qui ne le connaissent pas : Des celliers aux terres des templiers

Banyuls est un endroit magique, quasi au bout du monde quand on y arrive enfin, par cette route sinueuse longeant la Méditerranée et s’avançant vers les Pyrénées.

Depuis le port, en grimpant la montagne, la vigne résiste encore au-delà du village. Entre le schiste, le vent, la pente, sévère, et le manque d’eau, être vigneron relève forcément d’une vocation.  Dans cet univers, difficile, menacé, le Cellier des Templiers ne passe pas inaperçu. Imaginez seulement : cette coopérative unique regroupe 650 vignerons sur 1.000 Ha de vignes, unique car elle commercialise toute sa production en vente directe aux consommateurs. Entre le superbe caveau sur place, les boutiques et sa flottille de 240 commerciaux en porte à porte, la coopé résiste !
Certainement pour sortir du carcan du seul vin doux naturel,  les Celliers changent de nom et deviennent les Terres. Ils sortent en quelque sorte de leur cave pour marquer leur territoire : Celui de Banyuls donc mais aussi celui de Collioure, village voisin de bord de mer réputé pour ses peintres fauvistes et autres belles architectures et histoires. A ces deux-là, ajoutez Cerbère à la frontière et Port Vendres. 4 ports de la côte vermeille qui ancrent 3 appellations dans ce paysage de schiste, comme si la vigne accrochée à la pente plongeait ses racines dans l’eau bleu de la Méditerranée.

Les Appellations : quelques précisions

L’Appellation d’Origine Contrôlée Banyuls est l’un des plus anciennes de France, elle fut créée en 1936. Son aire de production est délimitée par les 4 ports de la Côte Vermeille ; Collioure, Port-Vendres, Banyuls et Cerbère.
Cépages principaux Grenache noir (50% minimum) Grenache gris et blanc, Macabeu, Malvoisie, Muscats. Cépages complémentaires Carignan, Cinsault, Syrah. Rendement limité à 30 hl par hectare. Mutage : à l’alcool vinique neutre n’excédant pas 10 % du volume de moût.
Elevage : Minimum 10 mois.
L’Appellation d’Origine Contrôlée Banyuls Grand Cru fut créée en 1962 afin de valoriser des produits d’une qualité supérieure. Son aire de production est identique à celle du Banyuls, les 4 ports de la Côte Vermeille : Collioure, Port-Vendres, Banyuls et Cerbère.
Cépages principaux : Grenache noir (75% minimum) Grenache gris et blanc, Macabeu, Malvoisie, Muscats. Cépages complémentaires : Carignan, Cinsault, Syrah Rendement limité à 30 hl par hectare. Mutage à l’alcool vinique neutre n’excédant pas 10 % du volume de moût.
Elevage : Minimum 30 mois.
Collioure
L’appellation d’Origine Contrôlée Collioure a été créée en 1971 pour le rouge, 1991 pour le rosé, 2003 pour le blanc. Son aire de production est délimitée par les 4 communes de la Côte Vermeille ; Collioure, Port-Vendres, Banyuls et Cerbère. Rouges & Rosés Cépages principaux Grenache Noir, Mourvèdre et Syrah. Cépages complémentaires Carignan, Cinsault Blancs Cépages principaux Grenache Gris et Blanc. Cépages complémentaires Roussanne, Marsanne, Vermentino.
Rendement : Limité à 40 hl par hectare

Terres des Templiers Route du Mas Reig 66650 Banyuls sur mer
Tél 04 68 98 36 70 / www.terresdestempliers.fr

Quelques vues du territoire

 

Domaine de l’Escarpolette, Ivo Ferreira, vigneron funambule à Montpeyroux

Associer le métier de vigneron au difficile exercice du funambule, ce n’est pas seulement pour faire un titre originale. Il me semble bien que ce gars-là, Ivo Ferreira, installé depuis 2010 à Montpeyroux, tend son énergie sur un fil invisible. La fragilité derrière ce défi lancé est palpable. Vouloir être vigneron, c’est déjà une entreprise de plus en plus rarement…entreprise. Et la souder ainsi, comme il le fait, à sa raison de vivre, c’est un vertige sensible à son approche.

Il aura ces mots, dans sa minuscule cave, à califourchon sur une barrique, en apesanteur, s’agitant d’un fût à l’autre, pour y plonger une pipette, soutirer des vins naissants et les verser dans un grand verre pour la joie de faire découvrir ses essais : « Si je continue comme cela jusqu’à mes 60 ans, je vais faire quoi…25…30 millésimes. Alors faut que je fasse des tentatives dès maintenant. Si je le fais pas, j’aurai raté ma vie ! »

Il a cette ardente ferveur de créer, d’inventer : « Je n’ai aucune envie d’être un vin de plus chez un caviste. J’ai surtout pas envie de faire les mêmes vins que Fada ou Jullien par exemple. Alors de mon cinsault j’en fais mon vin haut de gamme. Et avec le carignan et le mourvèdre, je tente un rosé. »

Autre originalité, il bâtonne ses vins rouges dans les fûts. Ca veut dire que régulièrement il remet en suspension les lies. Il explique que ça un effet radicale sur les vins, ça les protège, les enrichit, « ça les change du tout au tout au niveau des arômes ».

Ivo a 30 ans, une femme, un bébé et un pressoir vertical en bois qu’il a été dénicher en Savoie. C’est peu ! Cependant, c’est l’essentiel pour tenter l’aventure, lui qui a fait ses premières armes chez un ami , Jean-Marc Brignot, en Arbois, avant de passer par le fameux Châteaux Le Puy, vin de Bordeaux en Biodynamie, la sensation du manga japonais « Les gouttes de Dieu ».

Les opportunités, ses expériences successives, brèves ou plus longues, heureuses pour certaines, ses rencontres, les aléas d’un début de vie professionnelle, révèlent un parcours tout tracé pour poser ses pas dans cet incroyable terroir de Montpeyroux. Et pourtant, au vu de ce tumulte, éprouvé en 2 ans seulement, ne serait-il pas ici par hasard…
Les vins du domaine de l’escarpolette se déguste dans quelques bons endroit du languedoc comme au « Comptoir de Célestin » à Narbonne, ou au « Tire-bouteille » à Montpellier.

Et il est aussi aux « Caves du Roy » et à « La table d’Eugène » à Paris dans le 18ème.

Mais attention, il n’y a que très peu de bouteilles !
A cheval sur un fût, Ivo parle de sa relation avec Les Caves du Roy, de son cinsault, de ses vins :

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Sous les Palmiers à Pézenas

Quand on passe un très bon moment dans un restaurant, faut pas hésiter à le faire savoir. C’est si rare !En premier le cadre, les Palmiers à Pézenas dans l’hérault sont nichés au coeur du centre historique. Dans une petite ruelle, une haute porte de fer avec une liane, bien verte au-dessus, la porte est grande ouverte. La salle consiste à un espace entre deux murs de hautes maisons, à ciel ouvert avec une mezzanine de bois et de fer.  C’est pittoresque.La carte est simple, pas trop de plats, que du frais, un nem de saumon, un sauté de veau gingembre citron vert en plat du jour, un effiloché de morue et de chorizos cuits… et en dessert une glace au yaourt, un fondant au chocolat, un nougat glacé. Bref, de quoi se ravir les papilles.Un restaurant aux gestes simples, à l’accueil sbam naturel, avec une serveuse ingénue qui ne s’embarrasse pas des conventions. On se sent bien. Je regarde les vins. Heureuse surprise, je choisi le blanc du domaine Turner Pageot qui nous enchante par sa finesse dès l’apéritif.Pour le dessert, on tente un Mas des Chimères, Oeillade, un incroyable parfum se dégage. Je laisse mes invités se laisser surprendre : « Mais ca sent le foin! C’est fou ça ! « Oui, vous avez bien lu ! Ca sent le foin. Et c’est d’une buvabilité insoupçonnée ! Mas des chimères, on en reparlera !

oeillade cinsault mas des chimères

Les Palmiers, 10 bis rue Mercière, Pézenas (centre-ville). 04 67 09 42 56

Découverte de vins au Trinque Fougasse

Monsieur Dominique Boudet sait accueillir sa clientèle. Bar à vin qui ressemble davantage à une salle de spectacle intimiste, le Trinque Fougasse réunit de quoi passer un excellent moment, un piano, une scène, de l’espace, une bonne musique, du bois un peu partout et des vins tout autour.Si vous souhaitez manger, on vous proposera d’abord de venir au comptoir choisir votre vin en dégustant une sélection du jour.Pour ma première fois, je découvre 2 vins excellents qui me donnent aussitôt une furieuse envie de rendre visite aux vignerons qui sont capables de réaliser un tel vin.

Clos de la Plénitude

Le clos de la Plénitude du château Haut-Blanville, un très intéressant grenache en grès de montpellier qui ouvre sur une gamme étendue du domaine et une très belle maitrise de la vinification. Si vous souhaitez en savoir plus

La Terrasse d'Elise

Pradel est une cuvée 100% Cinsault du domaine de Xavier Braujou, la terrasse d’élise. Très étonnant vin rouge sur ce cépage en vin de pays du coup ! J’ai comme l’impression d’une animalité en bouche, très bien assaisonné avec des épices pas trop marquées et beaucoup de finesse. A la dégustation me vient déjà une forte curiosité pour le bonhomme.J’aime une telle cave quand elle vous envoute quand vous ne vous y attendiez pas. Mais, si vous souhaitez être rassurés, vous y trouverez également quelques grands noms comme ces deux bouteilles de la Grange des pères; Sur la photo ci-dessous, le prix à emporter et à consommer sur place (à la bouteille et au verre) ainsi que l’adresse de trinquefougasse.com

La Grange des Pères
La Grange des Pères
Emile Hérédia, domaine des dimanches, clairette et cinsault à Aspiran

Emile Heredia Domaine des dimanches Aspiran

Emile est un aspirant du dimanche qui travaille sans relâche entre ses deux terroirs de cœur : Les coteaux du vendômois et la clairette du Languedoc.

Le vent sur ces terres du sud ne semble jamais cesser. De vieilles vignes se laissent gagner par l’usure du temps, abandonnant quelques espaces, au vide. Les pieds ainsi disparus se nomment par ici les « dimanches ». Dans le rang, que l’on taille ou que l’on vendange, ces absents brisent un rythme et amènent à une pause.

Emile a besoin de temps pour faire son vin, du temps de macération, 2 mois, du temps pour le laisser se reposer, sans soufre. Comme il aime à le dire, « dans le prix de vente de la bouteille, y’a le temps ».

Son vin raconte une petite histoire, celle de la clairette en blanc et du cinsault en rouge, les cépages d’origine de ce magnifique terroir d’Aspiran. « Quand j’étais étudiant à Montpellier, on buvait soit de la clairette, légère, soit des vins rigolos comme les cinsaults. C’était des canons quoi, des vins simples à boire pour se faire plaisir.  Voilà, c’est ça que je fais, avec des vieilles vignes de plus de 100 ans comme pour la clairette. Je fais des vins sur la fraîcheur, sur le fruit. »

Emile milite contre l’uniformisation des techniques, refusant l’assaut répété de la technologie et de la chimie, préférant l’effort, l’adaptation aux variations du climat et l’idée qu’un vin, chaque année, est forcément différent. « De toutes façons », nous dit-il, « quand les choses sont faciles, je m’emmerde ».  C’est certainement pour cela qu’il veille à ne prendre que des bouteilles légères, moins gourmande en énergie pour être conçue comme pour être transportée. Et il poursuit cette exigence sur la colle des étiquettes, le papier recyclable, le bouchon de liège etc…

Emile fait du vin touchant, de proximité, d’intimité, tout en restant le plus possible accessible au plus grand nombre, et surtout pas pour une élite, intellectuelle ou de portefeuille. Ses vins donnent un nouvel aperçu de la finesse du fruit comme ce cinsault, tout en dentelle, très long en bouche et subtilement vineux, avec de la matière. Etonnez-vous !

Jean-Pierre Coffe a du coffre !

Entendu hier pendant l’émission de télévision de Michel Druker sur France 2, Vivement Dimanche Prochain, lors de la chronique du célèbre et fameux Jean-Pierre Coffe :

« Y’a pas de bons vins sans bois ! »

Il fallait certainement qu’il introduise sa chronique sur la fabrication des barriques par une telle affirmation pour dire une telle absurdité ! A en croire Jean-Pierre et Michel aussi qui s’y est mis de son expérience de cave, le vin s’élève uniquement en fût de chêne et il y a intérêt qu’il soit neuf et bien brulé pour un bon échange entre les aromes du bois et le liquide.

Ah ! Malheureux hommes que voilà, qui ne connaissent que le « woody » vin, ce nectar qu’ils doivent se faire offrir parfois et qui coûte une fortune certainement, au bon goût de vanille, de toast et de pain grillé. Ah comme il est facile de le reconnaitre en bouche ! Ah comme c’est dommage que Monsieur Jean-Pierre Coffe, ce Monsieur que j’aime pourtant pour ses pasquinades à coup de « mais c’est de la merde, ça ! » ne sache pas que la barrique s’emploie pour sa transpiration davantage que pour son essence !

Voyons Monsieur, vous avez du en savourer pourtant de ces vins de rêves qui chantent la gourmandise et nous font voir du fruit, des fleurs et de la fraicheur ! Mais enfin, je n’ose croire que vous pensiez vraiment que le bon vin ne serait que de la sève de bois ! Quelle avanie à votre encontre et votre savoir si bien assis !

Tenez, essayez donc ce Cinsault de Catherine Bernard, un vin de table naturel pour nous faire plaisir et vous ramener raison :

cinsault catherine bernard

Catherine Bernard, le vin du Languedoc au naturel

porte de cuve béton

Avez-vous déjà rencontré un dragon, dans une cave viticole, entre une cuve de cinsault et une autre de grenache, lequel se manifeste par de petits lâchés de bulles intempestives ?
Moi, si ! Ce matin, rendez-vous était donné à 10h. Comme d’habitude, ma ponctualité me précède et me voilà donc à 10h pétante devant la porte d’un modeste pavillon, me demandant si Madame Christine Bernard, vigneronne naturelle de son état, était bien à cette adresse. Ce n’est vraiment pas commun de rendre visite à une vigneronne en pleine banlieue d’une grande ville, Montpellier en l’occurrence.
La porte s’ouvre. J’entre aussitôt dans un nouvel univers, fait de sourires, de bon mots, de passions, tout animé d’une énergie très tendue, précise et exigeante. Son rire, et il y en eu plusieurs, souffle un esprit libre, décontracte la mesure du temps. La vie est légère, profitons-en !

Catherine aime à dire qu’elle est une vigneronne, installée à la ville, qui part au bureau, tous les matins, à contre-sens, dans ses vignes et sa cave. Si les parcelles sont à elles, la cave se partage avec une collègue. Maison, cave et vigne ne sont pas pour l’instant réunies ! Les joies du début, du lancement, des envies de réussir plus fortes que les obstacles dressés sur son chemin.

Pour aller à ses vignes, elle emprunte ce qu’elle appelle « le boulevard de la chimie« ; un chemin carrossé, traversant des parcelles où seul les ceps ont le droit de pousser, dopés par les artifices de nos contemporains. Pas loin de là, Saint-Drézery et le domaine de Puech-Haut, véritable locomotive de l’appellation.
Catherine a planté des Grenaches dans un sol très argileux et très pauvres. Avant la fin de l’année, il faudra venir les étayer à l’aide d’un tuteur en bois de châtaignier pour qu’ils puissent prendre leur place et s’installer fermement dans le sol.
A côté, sa plus grande parcelle de grenache qu’elle a reprise en l’état, se confond avec les herbes hautes. Au fond, la montagne du Pic Saint Loup dépasse des combes. Sur le sol, les feuilles sont déjà tombées et on ne les distinguent déjà plus, happées par la terre qui se nourrit de leur matière.  « Vous voyez, ici, ce sont « mes vignes historiques » me dit Catherine en montrant sa parcelle, « c’est comme cela que je les appelle. Les autres, celles qui ne connaissent que la chimie, ce sont des vignes hors sol, regardez, elles sont déboussolées, elles ont encore leurs feuilles. Et quand elles vont tomber, elles seront aussitôt emportées par le vent. La terre est tellement nue et compacte qu’elle ne peut pas les retenir. Elles iront se blottir inutilement dans un fossé ».
taille cinsaultAlors Catherine m’entraine encore un peu plus loin, toujours en parlant, toujours en riant, sur une drôle de parcelle de Cinsault. Elle marque le pas sur chacun des pieds, frotte le bois, mesure le résultat d’un premier travail de taille et s’emporte déjà à me confier que sur celui-ci elle coupera toute cette branche. « Vous comprenez, il faut raccourcir les sarments. Je passe mon temps à les couper. En laissant autant de bois, ils ont compliqués le parcours de la sève. Les canaux de sève sont bouchés là » me dit-elle en désignant la moitié d’un cep. Cet hiver, elle travaillera à la renaissance de ces vieilles vignes, sciant le trop de bois. Il faudra revenir ici.
A la cave, l’énergie de Catherine envahit l’espace. J’y viens pour découvrir ses vins et je me retrouve debout sur une échelle, en haut d’une cuve, à lui donner de mon aide. Les vins travaillent, à l’intérieur. Je savoure pour la  première fois, un pur extrait de Marselan, divine surprise au palais, une acidité nouvelle, un velouté, déjà, et du croquant. Déguster des pieds de cuve, dans le froid de la cave, n’est jamais un exercice facile pour qui ne le pratique pas tous les jours. Mais c’est la même sensation que d’être dans les coulisses d’un spectacle ou de gouter au plat d’un chef dans ses cuisines. On aime cette intimité et ce moment de confiance.

La rencontre se termine à table, en famille d’abord, autour d’un plat mijoté depuis le matin, puis entre amies, associant mendiant et cinsault, modestie et finesse. En partant, je repense à ce qu’elle me disait, impulsivement, dans l’univers clos de sa cave : « je suis un dragon« . Oui, voilà, comme un être de conte, exubérant, doté de pouvoirs magiques, entrainé dans son histoire. Déguster ses vins c’est forcément partager son parcours initiatique, ressentir la vie qui bouillonne en elle et apprécier, tout à la fois, la saveur du vin et l’exquis bonheur de prendre son temps.